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PAYS-BAS : « J'AI ATTENDU 2015 POUR ME DÉVELOPPER MAIS EN LOW-COST »

Cette aire d'exercice de 200 m2 étend la surface de circulation du bâtiment. Les deux longueurs sont équipées de cornadis achetés d'occasion. Les effluents sont raclés deux fois par jour vers un canal en bout de plate-forme, relié à la fosse sous caillebotis. Il est recouvert de plaques métalliques qui sont retirées manuellement pour verser les déjections.PHOTOS © C.H.

Les prix du foncier et des quotas élevés ont obligé Jan-Roelof Jalvingh à patienter pour agrandir de vingt vaches son troupeau. Son projet est sur les rails pour un investissement de 30 000 €.

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AUX PAYS-BAS, LA DISPARITION DES QUOTAS EN 2015 n'empêche pas leur marché de rester actif jusqu'au 31 mars. Jan-Roelof Jalvingh fait partie de ceux qui surfent sur les prix attractifs ces deux dernières campagnes. Sur un quota de 571 130 kg, il a proposé à la location 45 000 kg en 2013-2014 à 23,95 centimes d'euro le kilo, et 70 000 kg à 24,8 c en 2014-2015. « En 2013-2014, les adhérents de FrieslandCampina dont je fais partie ont dépassé de 3,87 % le quota de la coopérative, ce qui témoigne de l'envie de produire des éleveurs néerlandais. » Confronté à l'apparition de la néosporose à l'automne 2013 avec, depuis, des avortements, une baisse du niveau d'étable de 1 000 kg et l'envoi à l'abattoir de onze vaches pour un manque à gagner de 10 000 €, il décide de profiter de ces niveaux avantageux. À ces problèmes s'ajoute, en 2012, l'obligation d'acheter 151 tonnes brutes de maïs-ensilage pour un surcoût de 7 550 €. C'est qu'à cause de cette année pluvieuse, les 3 ha de triticale à ensiler ont donné en tout 10 t de MS. Jan-Roelof résume ainsi sa situation : « J'ai besoin de cash. »

« AUCUN REGRET POUR LES QUOTAS »

Sans regret, Jan-Roelof tourne la page des quotas qu'il vit comme un poids. Rencontré à l'automne 2010, il venait d'acheter 100 000 kg pour 78 000 €. Son projet à l'époque était d'acquérir 200 000 autres kilos pour diluer ses charges de structure. Vu les difficultés rencontrées, il s'est arrêté là... et préfère attendre 2015 pour véritablement se développer. Objectif : produire 800 000 kg en 2017 ou 2018, soit comparé à son quota, une hausse de 230 000 kg de lait... qu'il réalisera sans verser de parts sociales pour ce volume supplémentaire. Et s'il dépasse les 800 000 kg, il ne se verra pas infliger de pénalités. « FrieslandCampina s'est clairement engagée depuis plusieurs années à transformer tout le lait que les producteurs lui livrent. La coopérative a fait les investissements nécessaires pour accueillir le lait en plus. D'ailleurs, elle nous encourage implicitement à nous développer puisqu'un malus sur les volumes est appliqué jusqu'à 800 000 kg de livraisons annuelles. Il est variable selon les tranches de volume. Ensuite, la grille bascule vers des bonus. Je suis dans la fourchette des 500 000 à 600 000 kg. Un malus de 870 € m'est appliqué. »

Le développement de son activité laitière nécessite un agrandissement du troupeau de vingt laitières. Les génisses qu'il élève actuellement devraient lui permettre d'y arriver dans les deux prochaines années. Dans cette perspective, il vient de construire une aire extérieure de 200 m2 sur laquelle les vaches vont librement.

« MA BANQUE M'ACCORDE DIFFICILEMENT DES PRÊTS »

Dans le bâtiment, Jan-Roelof débute la pose de 26 logettes pour monter leur nombre à 76. Les 50 logettes en place et les cornadis sont disposés en U. Ces derniers seront remplacés par deux rangées de logettes. La salle de traite, elle, n'évolue pas : une 2 x 5 postes. Coût total de l'investissement : pas plus de 30 000 € qu'il autofinance.

Pourquoi n'investit-il pas dans une stabulation neuve de 80 à 100 places, comme il le prévoyait il y a quatre ans ? « La banque ne me prêtera pas l'argent », lâche-t-il. Il rembourse 77 300 € pour un EBE de 140 600 € en 2013-2014 et de 99 900 € en 2012-2013 (sans les charges sociales). L'éleveur a encore en travers de la gorge le refus de la banque de financer l'achat d'un tank à lait de 8 000 l il y a deux ans en prévision de son développement. « J'ai dû autofinancer les 18 000 €. Elle a jugé mon coût d'achat des aliments trop élevé (NDLR : + 32 €/1 000 kg entre 2012 et 2013), en partie dû à l'acquisition des 151 t de maïs-ensilage pour compenser l'échec sur le triticale. » Rick Hoksbergen, animateur du réseau European Dairy Farm des Pays-Bas, dont l'éleveur est membre, n'est pas étonné : « Les banques néerlandaises financent les investissements qui génèrent à coup sûr du revenu supplémentaire. Un tank à lait ne répond pas à ce critère puisqu'il y contribue indirectement. »

Autre exigence des banques : des garanties suffisantes pour couvrir l'endettement total de l'exploitation. « C'est le problème majeur de Jan-Roelof. La garantie que sont ses 22 ha en propriété couvre à peine le million d'euros empruntés sur trente ans depuis son installation en 2004, notamment pour l'acquisition de 14 des 28 ha de sa SAU. » L'éleveur loue encore 6 ha... que le propriétaire vient de lui proposer d'acheter. « À plus de 40 000/ha, je suis prêt à en acheter trois. Je laisse les trois autres. Si la banque refuse, ma SAU sera amputée de 6 ha. Le coût très élevé du foncier m'empêche d'investir comme je le souhaite et restreint ma capacité de production. »

« LES NORMES PHOSPHORE VONT COMPLIQUER LES RÈGLES ACTUELLES »

Les normes environnementales encadrent également ses conditions de production. Son projet de monter son troupeau à 80 vaches n'est pas le fruit du hasard. Il a une autorisation pour 80 vaches et 65 élèves, 1 600 m3 de stockage (fosse à lisier et fosse sous caillebotis) et 250 kg d'azote organique par hectare dans le cadre de la dérogation à la directive nitrates. Les 500 m3 que son exploitation ne peut pas absorber sont épandus chez son voisin. « Les normes phosphore qui se mettent en place vont compliquer les règles actuelles. » Sur la base 2013 de 60 vaches et 28 ha, l'administration vient de lui notifier un excédent de 826 kg de phosphore « Avec l'agrandissement du troupeau, il va s'accroître. Pour ce surplus d'excédent, je devrais soit agrandir ma surface, soit payer une entreprise pour traiter mon lisier. » Dans les faits, il épandra le surplus de lisier chez son voisin (900 à 1 000 m3 )... et paiera une entreprise de traitement, pour un surcoût qu'il estime à 6 000 €. « À moins que le plafond entraînant l'obligation de traiter ou d'agrandir la SAU soit relevé, ce qui n'exonérera pas de trouver les terres nécessaires à l'épandage. C'est en négociation avec le gouvernement. »

Et Jan-Roelof d'ironiser : « C'est compliqué d'être éleveur aux Pays-Bas. » Visiblement pour lui, ça l'est moins de s'adapter aux fluctuations des marchés. « Si le prix du lait baisse, la première adaptation est de vendre les vaches qui n'ont pas d'avenir dans le troupeau. Si tous les éleveurs réagissent ainsi, le prix du lait remontera. C'est la loi du marché. » On est loin des débats français sur la régulation.

CLAIRE HUE

Pour poser deux rangées de 13 logettes avec matelas, Jan-Roelof Jalvingh va ôter les cornadis qui sont installés en U. Il n'a pas prévu de faire évoluer la salle de traite 2 x 5 postes.

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